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Triste Bonheur
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3 avril 2006

J'aurais aimé vous connaître

Il est le genre de personne que vous croisez dans la rue sans y prêter attention. Le genre qui, en une rencontre, peut changer votre vie. Vous le regardez vite fait, puis vous le regardez plus attentivement et vous vous rendez compte que ce type-là, il en existe un seul sur Terre. Mais vous le laissez filer parce que justement, il est celui que vous croisez dans la rue, sans y faire attention. Ce n'est plus tard, lorsque vous êtes plus âgée que vous vous rendez compte que notre vie aurait pu être différente.
Il est le genre de personne qui vous fait oublier ce que vous vouliez dire. Le genre qui, lorsque vous le frôlez, fait battre la chamade à votre coeur. Quand il passe à côté de vous et que vous sentez son parfum, vous vous emplissez de joie, sans aucune raison apparente, même lorsque vous avez eu une journée pourrie, et justement encore plus dans ces cas-là.
Vous le croisez tout les matins, près de votre travail. Alors vous vous débrouillez pour prendre une pause quand vous le voyez dans la rue, vous vous mettez assez près de lui mais pas trop, pour le sentir près de vous, pour sentir ce frisson habituel lorsque vous êtes à quelques pas de lui et qu'il regarde dans votre direction. Même s'il ne reste pas longtemps sur vous, vous le sentez. Cette pression, pas désagréable, d'un regard sur vous. Le genre de regard qui vous fige sur place tellement il est puissant.
Il vous arrive de rêver à lui la nuit. Vous vous endormez avec sa présence, mais vous vous réveillez sans lui. Mais vous vous en fichez, vous savez que vous allez le voir aujourd'hui. Alors vous allez à votre boulot, en espérant le voir. Mais il n'est pas là. Vous demandez donc au patron du bar où vous preniez vos pauses ce qu'il est advenu de cet homme qui venait ici si souvent, un grand brun au yeux noirs. Et là, tout s'effondre: le patron vous répond qu'il se serait marié la veille, qu'il aurait quitté la ville. Il vous remet un papier et s'en retourne servir les clients.

Vous ouvrez le mot, et ce que vous lisez sur ce bout de papier, si insignifiant finalement, vous fait tomber de haut. C'est un mot de lui. Il vous avait repérée, dans votre bureau, lors de vos pauses improvisées. Il vous explique comment il se sentait lorsque vous étiez près de lui, que vous le frôliez. Simplement, il attendait. Attendait quoi? Un geste, une parole, un verre renversé par accident. Juste vous rencontrer, le reste lui importait. À la fin du mot, rien. Pas même un numéro. Juste une phrase. Une phrase dans laquelle il vous explique que, lui aussi, il se débrouillait pour vous apercevoir le plus souvent possible.
Alors vous reprenez votre sac, et vous sortez du bar. Vous ne vous dirigez pas vers votre travail, mais vers le métro du coin, là où vous l'avez vu pour la toute première fois. Vous reviennent en mémoire toute les fois où vous l'avez vu rire, où vous l'avez vu pleurer. Vous êtes perdue dans vos pensées, vous y êtes tellement plongée que vous rentrez dans quelqu'un. Vous relevez la tête, et là, vous le reconnaissez. Alors, vous lui souriez et vous mettez à rire, pendant un temps. Finalement non, ce n'est pas lui. Vous reprenez votre chemin et appelez votre patron, vous êtes malade.
Vous restez chez vous toute la journée, à imaginer ce qu'il se serait passer s'il ne s'était pas marié, si vous lui aviez parlé, si... Tellement de choses passent dans votre têtes. Vous passez votre nuit à penser à lui, à sa présence, à son parfum. Le lendemain, vous allez bossez, vous vous sentez un peu mieux. Pas formidable, mais mieux. Vous êtes en train de reprendre le travail quand un homme s'approche de votre bureau et frappe à votre porte. Il entre, il a un bouquet de fleurs dans les mains. Avec les roses, une carte. « J'aurais aimé vous connaître ». Rien d'autre. Vous remerciez le livreur et vous regardez par la fenêtre. Vous ne savez pas quoi en faire de ces fleurs.

Vous décidez finalement de les garder, c'est vrai quoi, c'est lui qui vous les a offertes. Pourquoi ne pas le faire, après tout, ce n'est qu'un bouquet et une carte. Arrivée chez vous, vous le mettez en vase, le posez sur le buffet du salon et vous adossez au mur pour contempler ces magnifiques roses rouges. Pas pour longtemps. Vous vous mettez à sangloter et vous glissez le long du mur comme le font les larmes sur vos joues. Vous vous sentez vous vider, toute cette tristesse, à cause de cet amour perdu. Vous vous demandez où il se trouve à ce moment. Peut-être fait-il comme vous? Peut-être est-il heureux avec sa femme?
Mais non, il est au bar. Il boit une bière vous en attendant. Il sait que demain matin vous serez là, dans le bâtiment d'en face. Il ira vous voir, il se le promet. Il a suffisamment attendu comme ça. Il commande une autre boisson et attend patiemment le lendemain matin. Il a tout le temps devant lui. Personne ne l'attend chez lui, il n'a aucune famille proche. Pas même une petite amie. Il se demande ce que vous avez fait des fleurs, si vous les avez jetées ou non, si vous l'avez mis sur la table du salon.
Lendemain matin, il pleut. Il est sept heures trente et l'homme espère vous voir. C'est alors qu'il voit une femme aux cheveux noirs, la tête baissée. C'est bon, il vous à reconnue. Il paye l'addition et se dirige vers vous. Il vous prend par le bras et vous le laissez faire. Vous sentez votre coeur battre la chamade, ce frisson familier, ce parfum. Vous levez la tête vers lui et le voyez enfin. Vous ne dîtes rien, vous murmurez juste un vague « bonjour » et vous marchez avec lui. Peu importe votre job. Vous serez en retard, un point c'est tout.
Bras dessus, bras dessous, vous continuez de vous promener avec lui, passant par ce fameux métro, devant la boutique où il vous dit qu'il a acheté les roses. Vous l'en remerciez, lui dîtes qu'elles sont dans un vase chez vous. Vous passez votre journée avec lui, à discutez de tout et de rien, le seul fait de lui parler vous remplissant d'une joie immense. Vous avez oublié votre boulot. Vous allez manger avec lui au restaurant, vous allez au cinéma. Le soir, il vous raccompagne chez vous, vous embrasse et vous dit simplement « à demain ». Vous ouvrez la porte, passez par le salon et vous dirigez vers votre chambre. Vous passez votre nuit à penser à lui, à sa présence, à son parfum. Cette fois-ci, avec un bon souvenir de cette journée. Vous allez aller au travail demain, car vous savez qu'il sera là à vous attendre.

Après tout, il n'a personne qui l'attend chez lui.

T.B.

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